Euforia

EUFORIA

Valeria GOLINO

LE DOUBLE JEU

Valeria GOLINO met brillamment en scène pour son deuxième film en tant que réalisatrice, deux frères en équilibre sur le fil de l’euphorie.

Dès les premiières images le spectateur est embarqué dans cette relation étrange, il n’y a pas d’introduction,  on entre dans le vif du sujet. Ce n’est qu’au fur et à mesure du déroulement du film que la personnalité des deux frères se dévoile, Ettore (Valerio Mastandrea) l’aîné et Matteo (Riccardo Scamarcio) le cadet, leurs situations familiales et professionnelles, leurs relations, leur mère.

Ettore est malade, il vit en province et des examens médicaux l’obligent à séjourner à Rome chez son frère Matteo. Il arrive dans un appartement super high-tec, vêtu d’un pauvre jogging qui dénote face au style dandy de son frère en costume cravate. En fait tout oppose ces deux frères, autant l’aîné est taciturne, prof de province, marié avec un enfant, autant le second est exubérant, businessman dans la communication, homosexuel et entouré d’une cour d’amis.

A l’annonce de la maladie Ettore se renferme encore plus et refuse l’aide de son frère qui tente par tous les moyens de lui faire partager son style de vie et garde pour lui le secret de la gravité de la maladie. Parfois complices, parfois ennemis, les deux acteurs excellent dans des scènes d’une rare  intensité magistralement dirigés par Valeria GOLINO. La réalisatrice a également travaillé les seconds rôles avec une grande attention, majoritairement interprétés par des femmes, celle de Ettore (Isabella Ferrari), son ex (Jasmine Trinca), l’amie de Matteo (Valentina Cervi), leur mère (Marzia Ubaldi), elles marquent par leur présence.

Une construction complexe du récit porte le spectateur à se demander qui est le plus désespéré des deux frères, un jeu d’oppositions en miroir,
sans jugement, les retrouvailles de deux frères. La structure du scénario est organisée en chapitres, lutte, tendresse, complicité, désespoir et joie euphorique. Puis s’introduisent des moments de calme transcendés par des événements absolument inattendus : un poisson, une Vierge, une nuée d’oiseaux, des éléments symboles de la culture méditerranéenne antique. La mythologie semble inscrite dans les veines de Valeria Golino, scénariste, réalisatrice, actrice gréco-italienne.

Ces images « sensationnelles » sont sublimées par le talent du chef opérateur Gergely Pohárnok et si chaque scène est marquée par son propre style, la technologie de pointe dans la scène de scanner, l’ironie au Vatican, l’onirisme sur la terrasse romaine, il règne une unité, une harmonie dans la multiplicité. Il en va de même pour les thèmes abordés, le temps qui passe, la destruction, la maladie, l’espoir, la religion, le bonheur, la félicité, la fatalité, la mort et même quelques réflexions sur l’état du monde, une multitude qui pourrait sembler désordonnée mais non le film avance sûrement, intelligemment. Le spectateur doit se laisser porter, s’abandonner et parfois supporter quelques longueurs quand les moments « magiques » se font attendre.

Le mythe est une leçon de vie universelle et « Euforia » est un hymne à la vie.